Design

Comment éviter les biais cognitifs lors d’un processus de conception ?

Les biais cognitifs et leur importance dans le design

Les biais cognitifs sont des déformations dans notre manière de penser ou de juger, influencées par nos préjugés, nos convictions ou notre vécu passé. Ils ont une importance dans la conception d’un produit et les designers cherchent souvent à les débusquer chez leurs utilisateurs. Mais, en tant que designers, nous n’en sommes pas immunisés ! Ne pas s'adresser aux bons utilisateurs, imaginer des usages inexistants, et ignorer certains risques sont des erreurs que tout designer, ainsi que son équipe, cherche à éviter.

Bien que la conception d’un produit soit à la fois affaire d’émotion, de ressenti et de subjectivité, ce travail n’est rien sans une approche factuelle qui permet de tangibiliser et dérisquer les décisions. C'est une approche que nous cultivons au sein de BAM pour limiter l'impact négatif de ces biais, qui peuvent parfois influencer les décisions stratégiques, fausser la recherche utilisateur et freiner la créativité. Nous avons donc interrogé les designers de BAM et voici nos apprentissages.

Les principaux biais cognitifs du designer

Le biais de confirmation

Le biais de confirmation est une tendance cognitive qui pousse les individus à privilégier, rechercher, interpréter et se souvenir des informations qui confirment leurs croyances préexistantes, tout en ignorant ou minimisant celles qui les contredisent.

Dans la recherche utilisateur, il n’est pas rare de tirer des conclusions rapidement dès les 1ers contacts avec le terrain.

« C'est quelque chose que je vois dans mes équipes. Pendant la discovery, la tentation peut parfois être grande de tirer des conclusions hâtives qui confirment nos hypothèses sans avoir interrogé suffisamment de personnes ».

Le risque ? Se rendre compte qu’on n’adresse pas du tout les bonnes problématiques ou pire ! qu’elles n’existent pas !

Le fonctionnement du biais de confirmation

Quelques risques et bonnes pratiques :

🔎  Recherche utilisateur : Poser des questions biaisées et interpréter les réponses pour confirmer ses idées. ”Si vous deviez choisir, vous iriez regarder par là d’abord, n’est-ce pas ?”

👉  Bien des échanges avec les utilisateurs sont intrinsèquement subjectifs, il est possible de tendre au maximum vers la neutralité en suivant des guidelines simples lors de la préparation et pendant les interviews : questions ouvertes, laisser des silences, ne pas proposer de solutions à l’interlocuteur

📊 Analyse des données : Sélectionner et accorder plus de poids aux données soutenant ses hypothèses, en ignorant les feedbacks contradictoires.

”Certes, ce parcours représente 13% du trafic, mais en quali, on me dit qu’il est super utile !”

💬 Tests utilisateurs : Interpréter les résultats de manière à conforter ses attentes, minimisant les critiques et les problèmes identifiés.

”L’utilisateur n’a pas compris ce parcours, mais on lui a probablement mal expliqué”

👉 Ces deux risques peuvent être évités en croisant des résultats de recherches qualitatives avec des données quantitatives. Il est par exemple possible d’analyser des données d’usage via du tracking des enregistrements de sessions via différents outils (Hotjar, Amplitude …).

Il est important de vérifier ses intuitions. Adopter un regard critique face aux convictions initiales du client et croiser les retours qualitatifs avec des données solides aide à formuler des recommandations plus fiables et sortir du combat d’opinion.

Le biais de Statu Quo

Le biais de statu quo consiste à préférer laisser les choses telles qu'elles sont, car le changement et l’exploration de l’inconnu peuvent sembler comporter plus de risques.

Pour un designer, cela peut se traduire par une réticence à modifier des expériences, des fonctionnalités existantes ou des interfaces, même si des améliorations sont nécessaires pour innover et adopter des solutions plus efficaces.

Sur de longs projets, le biais de statu quo est particulièrement fort en raison de l'investissement temporel, financier et émotionnel déjà consenti. Les parties prenantes peuvent craindre que les changements perturbent les progrès réalisés, augmentent les risques d'échec ou requièrent des ressources supplémentaires.

« En arrivant dans mon projet pour un grand groupe, le produit était vieillissant et n’était plus totalement adapté aux besoins utilisateurs. Pourtant, les équipes ne semblaient pas vouloir effectuer de grands changements. Chaque petit changement donnait l’impression de demander un grand effort car il doit être validé à plusieurs niveaux et semble comporter des risques.

J’ai du challengé le client et les équipes en m’appuyant sur la notion de dette UX. La dette UX est le principe que lorsque l’on laisse un design obsolète et que l’on bâtit dessus, chaque jour qui passe rend le changement plus compliqué. Ils ont ainsi compris que ce n’était pas dans notre intérêt de continuer à construire un produit tel quel et nous avons beaucoup fait bouger les lignes par la suite grâce à ça ».

La plus-value de lutter contre le biais de statu quo

Quelques risques et bonnes pratiques :

🆕 Manque d’innovation : La préférence pour les solutions existantes empêche l'exploration de nouvelles idées et approches, limitant l'innovation.

”Oui, mais l’outil a l’air de plutôt bien fonctionner, je ne sais pas si un changement serait viable”

👉 Faire des tests et créer des prototypes rapidement pour tester et valider de nouvelles idées permet de rationaliser cette pensée sans avoir un lourd investissement de temps.

😠 Insatisfaction des utilisateurs : Les solutions qui ne s'adaptent pas aux évolutions des besoins des utilisateurs peuvent entraîner une baisse de la satisfaction et de l'engagement.

👉 Il faut impliquer les utilisateurs de manière continue dans la conception et l’amélioration du produit. Cela peut se faire via des ateliers avec ces derniers pour recueillir leurs feedbacks ou via des mécanismes pour recueillir et analyser les retours des utilisateurs de manière continue (NPS, CES, CSAT par exemple).

📉 Perte de compétitivité : Ne pas se renouveler peut entraîner une perte d'avantages face à la concurrence.

👉 La veille concurrentielle régulière permet d’être conscient du marché et des nouvelles initiatives. Cependant, lorsque les concurrents ont déjà mis en place des solutions innovantes, il peut parfois être difficile de se démarquer. S’interroger régulièrement sur l’évolution des besoins utilisateurs permet d’anticiper certaines tendances avant les concurrents.

Ainsi, la posture du designer aide à challenger ce biais. Pour convaincre et renforcer ses convictions, le designer peut utiliser ces outils pour remettre en question ce biais et encourager à apporter des changements !

Le biais d’ancrage

Le biais d'ancrage se réfère à la tendance à attribuer une importance disproportionnée à une information initiale, souvent la première reçue, sur un sujet donné. En design, cela peut vous amener à baser vos décisions sur des données initiales ou les premières impressions qui ne sont pas nécessairement les plus pertinentes et complètes.

« Quand je commençais en tant que designer, ça m’est arrivé sur mon tout premier projet. Nous avions peu de temps pour la phase de recherche utilisateur et inconsciemment, nous avons basé notre production sur le premier retour utilisateur.

Bien que cela nous ai été bénéfiques sur les interfaces, ça a eu un impact sur la priorisation de nos features. Avec du recul, je pense que nous avons mis trop d’énergie sur une feature qui n’avait pas suffisamment d’importance pour l’utilisateur. Aujourd’hui dans mes projets, je n’hésiterais pas à réorienter légèrement la suite de ma recherche utilisateur pour confirmer ou invalider ma première hypothèse ».

Le piège du biais d'ancrage

Quelques risques et bonnes pratiques :

❌ Hypothèses erronées : En s'appuyant uniquement sur nos premières impressions ou sur certaines informations, le biais peut fausser la phase de recherche et compromettre ainsi l’identification des réels besoins et des comportements des utilisateurs.

“On nous a dit qu’il utilisait ce service seulement le soir donc l’on peut partir de ça”

👉 Il existe deux manières de contrer cela. La première consiste à varier les méthodes de recherche. Combiner interviews, sondages, observations et tests utilisateur pour obtenir une vue d'ensemble. La seconde est de revoir et réévaluer les données régulièrement. En effet, faire des analyses itératives aide à réduire l'influence disproportionnée des premières informations recueillies.

🎨 Limitation de la créativité : En s'appuyant trop sur la première idée ou information reçue, les équipes peuvent être moins ouvertes à explorer des alternatives innovantes.

👉 Utiliser des outils d’atelier créatifs comme le Crazy 8s, la méthode SCAMPER ou encore les chapeaux de Bono permet d’aider le cerveau à penser en dehors du cadre. Le benchmark peut aussi s’avérer utile pour explorer le champ des possibles.

D’autres biais qui peuvent influencer nos décisions

💭 Biais de projection :

  • Description : La tendance à supposer que les autres partagent les mêmes croyances, attitudes ou comportements que soi.
  • Risques : Peut conduire à des conceptions qui ne répondent pas aux besoins réels des utilisateurs.

🆕 Effet de récence :

  • Description : La tendance à accorder plus d'importance aux informations récemment reçues.
  • Risques : Peut biaiser les décisions en négligeant des informations importantes, mais plus anciennes.

🖼️ Biais de cadrage :

  • Description : La tendance à être influencé par la manière dont une information est présentée. Par exemple, une même donnée peut se présenter de deux manières différentes : 80% des utilisateurs ont réussi ou 20% des utilisateurs ont échoué.
  • Risques : Peut affecter les décisions en fonction de la présentation des données plutôt que sur leur contenu objectif.

🔦 Effet de halo :

  • Description : La tendance à laisser une impression générale (positive ou négative) influencer les évaluations spécifiques.
  • Risques : Peut conduire à des jugements biaisés sur certains aspects d'un design basés sur une perception globale.

En conclusion

Les biais cognitifs apparaissent à chaque étape du processus créatif. Ils influencent considérablement nos décisions, notamment dans des situations d’urgence ou avec une grande quantité de données à gérer.

Toutefois, il ne faut pas les diaboliser ! Si nous en prenons conscience, ils peuvent s’avérer être de bons alliés pour renforcer nos pitches afin de convaincre et d'aider à prendre certaines décisions. Il est essentiel pour les designers de rester conscients de ces biais afin d'adopter une approche équilibrée et éclairée dans leur travail.

Designer UX/UI ?

Rejoins nos équipes